samedi 4 février 2012

Page 1 (FG)

[ci-dessous, l'assemblage des épisodes 1 à 10 écrits par FG forme la page 1 de son texte. Des corrections ont été apportés au jet initial.]

Par une nuit de brouillard, une de ces nuits si sombres que l'on peut se perdre même en traversant les lieux qui nous sont les plus familiers, j'attends, dissimulé derrière le tronc d'un arbre. Je l'avais vue discuter avec un inconnu, j'avais observé ses rires forcés et ses petites moues séductrices. Quand ils sont sortis ensemble, ç'a été plus fort que moi, je les ai suivis. Ils ont marché longtemps dans les rues, puis sont entrés dans un immeuble d'allure imposante. Depuis, j'attends. Depuis des heures, j'attends. Bientôt, le ciel pâlit, le brouillard commence à se dissiper, le soleil se lève. Des gens, des foules de gens, tous identiques les uns aux autres, se mettent à passer devant moi et à s'engouffrer dans le métro. Ils vont travailler, je suppose. Je me sens seul au monde.
Luttant contre la mélancolie, je décide de rentrer chez moi. Je me mets au lit, mais je ne parviens pas à m'endormir. J'allume, prends un livre. Rien à faire. Une seule pensée m'obsède : qui est cet inconnu ? Il me semble vaguement l'avoir déjà vu quelque part. Je me relève, je vais à mon bureau, j'allume mon ordinateur. Google me donnera peut-être la clé de l'énigme. Et soudain, le souvenir me revient : j'ai déjà vu cet homme. C'était à Cannes, il y a quelques années, pendant le festival. Mais ce souvenir est trop ténu, je ne pourrai jamais retrouver avec certitude l'identité de cet homme. Soudain, je me frappe le front du plat de la main : ce n'est pas lui qui importe. C'est elle. Je décide de lui envoyer un texto et de lui proposer de déjeuner vers une heure. Je trouverai bien le moyen de lui poser quelques questions discrètes.
Mais après plusieurs heures d'attente, elle ne me répond que pour me dire qu'elle n'est pas disponible, ni le soir d'ailleurs puisqu'elle doit aller au théâtre. "On se reverra, conclut-elle, quand je reviendrai des États-Unis." Je suis indécis. Que devrais-je faire ? Aller faire le pied de grue devant l'immeuble de l'inconnu ? Surveiller discrètement la sortie du théâtre, et suivre Reinette ? Je réfléchis, je pense, mais mon indécision ne fait que croître. Je décide finalement de rester à la maison. ll finira bien par se passer quelque chose, la situation se résoudra d'elle-même.
Au moment précis où je prends cette décision, mon portable sonne. C'est un autre texto : "CAlifornia. PasaDENA." Le destinateur est un numéro caché. Qu'importe ? Voilà précisément ce que j'espérais. Demain, je pars pour les États-Unis. Je me mets tout de suite à la recherche d'un billet d'avion. Plusieurs options s'offrent à moi, et me voilà à nouveau complètement indécis. Finalement, je me décide. D'abord un avion jusqu'à New York, puis l'avion de nuit, celui que les Américains appellent le "Red Eye", jusqu'à Los Angeles. Voilà, j'achète. Le lendemain matin, me voici à l'aéroport. J'essaie de dormir pendant le second vol, mais je dors très mal. L'hôtesse, sympa, m'apporte des graines de tournesol.
Comprendre Los Angeles, c'est comme essayer d'atterrir en parachute au sommet exact d'une pyramide : c'est possible, mais franchement improbable. Ou, pour employer une autre métaphore, c'est comme ce jeu que l'on appelle le jeu de l'échelle : on croit avoir trouvé la ville, on a l'impression de s'approcher, et puis non, finalement, rien, quelques maisons, un "strip mall" ou deux. Mais bon, je ne suis pas venu faire le touriste, voir des stars. Je suis ici pour retrouver Reinette, la femme la plus importante de ma vie, et pour découvrir l'identité de cet inconnu. Mais d'abord, je vais me prendre une chambre à mon hôtel habituel, le Puente. Je ne m'attarde pas à l'hôtel. Je sors tout de suite et me rends à Pasadena pour y jeter un coup d'oeil. Des rues, des maisons, l'immense stade du Rose Bowl. Nulle trace de Reinette ou de l'inconnu. Je rentre au Puente d'Oro Hotel. Dans le lobby, j'aperçois une affiche : c'est un "casting call", on cherche des acteurs pour un film. Je suis irrésistiblement attiré. Je ne sais pas pourquoi, mais je suis persuadé que c'est là que je trouverai la solution de l'énigme. Things are looking up.
Le casting est pour un film qui s'appellera Flashcube, et qui aura pour sujet un super-héros qui, ayant découvert la clé de l'univers, peut contrôler à sa guise la gravité. Je m'amuse beaucoup à regarder passer les figurants des films qu'on est en train de filmer dans les studios : des pompiers, des Égyptiens, plusieurs personnes habillées comme Sherlock Holmes. Finalement, mon tour arrive : on me fourre des pages de scénario dans les mains, et une dame d'un certain âge s'approche de moi et me donne la réplique d'un air ennuyé. Je n'arrive pas à voir le jury, à cause des spots. Évidemment, je lis mon texte comme un pied, et on me remercie. Une fois dehors, assis sur le bord d'une fontaine en carton-pâte, je me demande ce que je fais là. J'ai vu Reinette parler avec un inconnu que j'ai cru voir une fois à Cannes et cela m'a perturbé ; j'ai reçu un texto et sans me demander qui était le destinateur, je suis parti en Californie. Mais puisque ce voyage semble bien vouloir se terminer en queue de poisson, il est peut-être temps de rentrer à la maison. Et comme je prends cette résolution, les figurants déguisés en Égyptiens repassent devant moi. Ils sont en train de manger des sandwichs.


(à suivre)

FG

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