vendredi 10 février 2012

Episode 16



[Les cinq paragraphes ci-dessous appartiennent à cinq feuilletons distincts. Ces cinq paragraphes ne se suivent pas - mais font suite aux précédents épisodes des mêmes auteurs.]



(Suite de l'histoire n°1) "Il la suivit lentement, à pas de tortue, dans le salon étroit et sommairement meublé. Il ne voulait pas s’asseoir, ne voulait pas se voir entraîner dans une histoire qui n’était pas la sienne, servir de boussole à une femme qui ne savait plus où se tourner. Mme Cohen lui proposa un thé, des fruits, mais il refusa tout. Dans sa tête, les secondes s’écoulaient comme sur un boulier, avec un bruit infernal. Il revoyait sa discussion avec la fée aux cheveux d’or, sa propre incapacité à tenir un discours cohérent ; mais devant lui, au lieu du visage lisse et lumineux de la jeune femme, se trouvait celui, vieux et usé, de sa voisine, qui lui disait : « Ils ont arrêté mon fils ». " (Alice Bé).



(Suite de l'histoire n°2) "Monsieur Sheep marcha lentement, de long en large. Il avait à la main un bracelet de billes de bois qu’il entrechoquait avec nervosité. Il marmonnait, grommelait, puis soupirait. Enfin, il se tourna vers Heisenberg et dit: “Je vis reclus, drapé dans une tristesse infinie, mais me croiriez-vous si je vous disais qu’il y a encore quelques années, j’étais la figure même du courage?”. " (David M.).


(Suite de l'histoire n°3) "Le taxi démarre avec enthousiasme, mais doit ralentir dès que nous arrivons sur la freeway : un de ces fameux bouchons de Los Angeles. Bumper to bumper, nous n'avançons guère, j'ai tout le temps de réfléchir. De toute façon, mon avion ne part que dans six heures, je ne suis pas inquiet. Je repense à ce séjour en Bourgogne ; il y avait moi, il y avait Reinette, évidemment. Boulier aussi était là, et Cardinal, ce grand maladroit qui parle toujours à tort et à travers. Mais qui était le troisième ? Je réfléchis, je me gratte le crâne, rien à faire. Un blanc. C'est un nom en L, il me semble. Je réfléchis encore plus. Je revois la vieille maison tout entourée d'arbres, je vois la grande cuisine avec son énorme table de bois massif. Boulier, qui rit tout le temps ; Cardinal, qui nous insulte tous à tour de rôle et sans jamais essayer. Mais l'autre, le troisième ? Rien à faire, pas moyen de le replacer." (FG).



(Suite de l'histoire n°4) "L’esprit troublé, chagriné par ces éclats de mémoire, Jean-Jesus poursuivait sa lente déambulation dans la maison de sa voisine. Il comptait ses pas. Quittant enfin le salon, il se trouva dans couloir. On le devinait en L, donnant sur le hall d’entrée, et s’ouvrant sur toutes les pièces de la maison.

Plus loin, d’une porte entrouverte, on entendait le dialogue d’un film. Un homme et une femme. Les oreilles extrasensorielles de Jean-Jesus captèrent : « Ma reine ! Oserai-je !? — Que vous dire, Monsieur mon petit page, sinon qu’il faut savoir croquer la pomme… — Alors, ma reine, laissez-moi baiser vos genoux ! »" (Louis Butin).



(Suite de l'histoire n°5 Quelques verres d'umeshu plus tard (celui du Cabaret, que confectionne amoureusement la volubile Keiko, la sœur aînée d'Etusko, titre à plus de 16°), Mme Park est prêt à chanter ce que l'on veut. Et pourquoi pas ? Dotée d'une voix de soprano qu'elle rapetisse à la taille du minuscule établissement, elle susurre quelques rengaines coréennes et japonaises a capella tandis que les sœurs Kagi préparent boulettes et beignets dans la cuisine, séparée des quatre tables de l'établissement par un comptoir en bois blanc dont l'angle est particulièrement dangereux les soirs de beuverie. C'est à dire quatre soirs sur cinq, pour être honnête. Les chiens dorment dans un carton, sous l'évier. Keiko sanglote à chaudes larmes quand Mme Park entonne la triste valse allemande du Visage d'un autre, film que les sœurs ont vu des années auparavant, à la télévision, une nuit, avec deux garçons qui sont morts un ou deux étés plus tard en Grèce, écrasés sur une plage par des motards ivres. Etsuko hausse les épaules et accueille le premier client de la soirée, hors Mme Park — Jo, sans aucun doute, jeune abruti aux cheveux jaune paille, ce Jo qu'elle est censée connaître."(Dragon Ash).



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