vendredi 17 février 2012

Episode 21


[Les cinq paragraphes ci-dessous appartiennent à cinq feuilletons distincts. Ces cinq paragraphes ne se suivent pas - mais font suite aux précédents épisodes des mêmes auteurs.]


(Suite de l’histoire n°1) “Salomon serra la main de Mme Cohen avant de la quitter, une main sèche et noueuse qui semblait vouloir le retenir, lui faire redire qu’il sauverait son fils. Il alla ensuite se coucher, mais ne parvint pas à trouver le sommeil. Il se voyait devant demander à son cousin la grâce de ce bon à rien de Hershe ; en arrière-plan, il voyait la jeune femme du jardin rire à gorge déployée, les traits déformés, ses cheveux blonds comme un incendie autour de sa tête. Dans quelle situation était-il donc allé se fourrer ? N’avait-il pas autre chose à faire que de charger sur ses épaules tous les problèmes du monde ?” (Alice Bé)



(Suite de l’histoire n°2) “Heisenberg prenait bonne note, en son for intérieur, des recherches à faire une fois revenu devant son ordinateur: Java, abeille constricteuse, Méliès, Géronimo, Turing, délire de persécution, paranoïa... quand la main de Monsieur Sheep se posa brusquement sur son épaule, le faisant sursauter: “Ce fut une révélation, le ciel s’éclaircit, la lune parut dans sa blanche nudité, la solution était toute trouvée - j’étais le Newton de notre siècle, l’Archimède de notre temps - sauveur et prophète de notre civlisation.” Heisenberg, intérieurement, comptait les pas qui le séparaient de la sortie, et la probabilité qu’il parvienne à fuir sans renverser un bibelot précieux, qu’il ne pourrait rembourser.” (David M.)



(Suite de l’histoire n°3) “Il s'agit d'un de ces articles que l'on parcourt distraitement, pour tromper l'attente de ces interminables vols, et dans lequel nous sont présentés, sur un ton insupportablement positif, un restaurant, une tradition locale, un artiste, dans le seul but de nous donner l'envie de nous rendre dans la ville où se trouve ce restaurant, cette tradition, etc., et donc de nous faire acheter des billets d'avion. Bref, l'article que j'étais en train de lire parlait d'une boîte de nuit célèbre, appelée Le Trou de la Serrure, et dont le propriétaire se nomme Paul Locus. Locus. Tout d'un coup, j'ai très chaud, je me sens rougir : j'ai retrouvé le nom du troisième garçon. C'était Jean Locus, l'ignoble, l'exécrable Jean Locus, ce fils d'un militaire suédois et d'une danseuse indienne. Comment ai-je pu l'oublier ?” (FG)



(Suite de l’histoire n°4) “Jean-Jesus caché dans l'ombre pouvait observer à son aise. Il la vit se recroqueviller sur son lit. Elle éteignit la télévision en soupirant.

La seule lueur du clair de lune frappait ses épaules nues. Il en observait la rondeur ; il s'imaginait toucher, caresser, découvrir un monde inconnu. Un rêve brumeux s'empara de lui. Au cour de l'épais brouillard, dans un désert de bruyères épaisses, un feu entretenait les visions célestes, perçait la brume et naissaient des linéaments de vie, des ébauches de joie, des sourires et des éclats de voix ; une poitrine se soulevait et s'affaissait au rythme de la mer, à la respiration de la Terre.” (Louis Butin)



(Suite de l’histoire n°5) “***
Jo. Aruturu. Akira. Et Katsu. Assis sur un banc dans un parc de Ginza, ils rient à s'en fendre les côtes. Etsuko les a suivis à la fermeture du Cabaret de l'amour, au lieu d'aller retrouver Daisuke — l'a-t-elle prévenu, elle ne s'en souvient pas ; le téléphone est déchargé. Les garçons l'ont emprunté pour regarder, en boucle, une vidéo où trois petits lapins, cherchant à traverser la mer du Japon en voguant sur la lune, se noient, les niais, sont dévorés par des poissons-chats qui, devenus gigantesques, font trembler le monde et naître des volcans. Pour finir, les poissons recrachent les lapins, lesquels repartent en pèlerinage dans la nuit.
— Comme nous autres, rugit Aruturu, le plus soûl des cinq.
— Hein, mes lapins, hein ?
Akira et Jo dansent sur la pelouse, les bras tendus vers le ciel. Des feux follets les suivent, entre les troncs. La nuit, les sans domicile s'installent dans les parcs. Ça glousse en écho.
— Si je continue, se dit Etsuko, je finirai ici.
Elle pose la tête sur l'épaule de Katsu.
— Sœurette, tu fatigues ?
Il sent la bière, la cigarette, l'huile de friture, la sueur. Elle se souvient d'une soirée sur la plage, à Enoshima. Elle s'était ouvert le pied sur un éclat de verre. Il lui avait léché l'orteil (il avait onze ans, elle quatre de plus). Mais que faisaient les parents ? ” (Dragon Ash)


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